2023-06-27

Discours patriotique – Capitale

Un discours enivrant, touchant et patriotique à souhait. Livré et rédigé par notre porte-parole, Léane Labrèche-Dor.

© Victor Lamich-Diaz

Bonsoir Québec !

Bonsoir les plaines! Les magnifiques et lourdes plaines.

Je ne vais pas vous déranger longtemps, je veux que vous puissiez vous célébrer! Mais tant qu’à vous célébrer, je me suis dit que j’allais mettre mon grain de sel.

Même si je sais que plusieurs d’entre vous ici ce soir ne me connaissent pas, mais bon, il ne faut pas avoir peur de ce qu’on connait pas, pis moi, je suis bien heureuse de cet incognito, parce que, ce que je veux vous dire c’est pas mieux ou moins bon si ça sort de la bouche de quelqu’un qui a fait un peu de tévé.

Ce soir, je vous parle avec ma bouche, la seule que j’ai…ma bouche de québécoise. La bouche de votre cousine, de votre sœur, de votre enfant. La bouche d’une maman québécoise qui voit sa terre natale, le lieu qu’elle considère comme la maison, son pays…qui voit l’étendue de ce pays-là à travers les yeux de tout le monde ici ce soir…et de tout le monde en Gaspésie, à Longueuil, ou à la Baie James.

Des yeux qui sont de toutes les couleurs, de toutes grandeurs, des yeux avec des rides de rires, pis des rides de pleurs, de yeux qui voient pis regardent pour vrai, pis qui parlent pour vrai. Alors ce soir, permettez à mes yeux de jeune mère québécoise de vous parler avec le cœur.

Mes yeux qui sont toujours émerveillés de voir des mauvaises herbes tenaces percer la mer d’asphalte qui les entoure. Mes yeux qui se réjouissent de la force de la nature. De la puissance de la résilience. Mes yeux qui ont la chance de voir toutes les couleurs que la vie a à m’offrir, toutes les couleurs que le Québec a à m’offrir. Qui voient et ressentent toutes les formes d’un Borduas, toutes les teintes franches d’un Françoise Sullivan, tous les traits d’un Le Sauteur et qui rêvent de flatter un Séguin à un moment donné. Mes yeux qui voient l’immensité de la toundra du Nord n’avoir de rival que l’immensité du bleu de notre fleuve.

Mes yeux qui ont donné des baisés aux sapins dans la neige et qui ont vu la Guerre des Tuques, Monsieur Lazar, Incendies, Mommy et 15 février 1839. Mes yeux qui ont pleuré l’amour mal amoureux d’un père dans CRAZY et qui ont ri aux larmes des monsieurs dans Cruising bar.

Mes yeux qui dévorent des festins riches, accompagnés des gens qui viennent de partout nous partager leurs plats. Faisons leur goûter les nôtres et goûtons aux leurs.

Mes yeux qui voient la beauté des valeurs des contes qui me sont racontés par Barbada.

Mes yeux de jeune maman qui voit mon fils avoir la curiosité que je souhaite à tout mon peuple.

Mon peuple qui n’est pas petit. Mon peuple qui je pense est plus que quelque chose de peut-être grand. Mon peuple, qui est généreux. Fort. Mon peuple qui est tenace.

Un peuple de Robert Lepage et de Farah Alibay, de David St-Jaques, de Dany Laferrière, de François Pérusse,…C’est un peuple de génies, mon peuple, et je suis tannée qu’on en doute, encore!

Mon peuple qui est bum.

Mon peuple qui évolue. Mon peuple qui est beau quand il se soude.

Mon peuple qui a compris que pour ne pas casser au vent, il doit être solide, mais souple comme le Bamboo. Mon peuple. Enraciné loin et profondément dans la terre qu’il doit connaître et aimer pour être capable de danser avec l’adversité. On danse depuis 1759 avec l’adversité! On n’arrête pas!

On se fatigue parfois. On change de pas, de musique. Mais on n’a jamais arrêté de danser, et personnellement je vais avoir les pieds troués d’ampoules avant de laisser tomber et d’aller m’asseoir.

Je suis ici parce que mes parents étaient ici. Et que leurs parents étaient ici. Mais les leurs sont arrivés d’Irlande, de Normandie, de France. Et de l’autre côté ils étaient ici bien avant nous tous et ils le sont encore.

Je suis un métissage qui fait peur à un empire d’anglais, et je ne suis pas la seule.  Je suis une roche du bouclier au Nord de l’Amérique du Nord.  Je suis une des menaces métissées qui fait frémir ceux qui se promènent la nuit avec de longs couteaux. Je suis une portion du métissage riche, je suis une tache de couleur dans le grand tableau du Québec, où je vois l’immensité de mon peuple et du fleuve et de la toundra. Je suis le métissage qui doit apprendre à mes frères et mes enfants à dire «Mamu nikanitetau»

Je suis une des taches de couleur qui ne partira jamais au lavage! Je suis une Québécoise qui doit continuer d’apprendre à réellement dire Merci, et Bienvenue, et Je t’écoute, et Voilà qui je suis.

Une Québécoise qui a envie de leur dire, à ceux qui ont renvoyé juste 10 réponses quand on leur posait 92 questions, une Québécoise qui a envie de leur dire sortez de la cuisine qu’on se parle. Une Québécoise qui a envie de leur dire à ceux qui ont tellement essayer de stopper notre danse : On danse encore, ou dans des mots qu’ils comprendront et qu’ils ont tant tenu que j’apprenne: «You tried, and you did not succeed.»

Et vous ne réussirez pas tant que mon peuple aura la noblesse mystérieuse de nos forêts… tant que mon peuple va être élevé et soufflé par les mots flammes d’une Huguette Gaulin ou le timbre de fracas d’un Richard Desjardins.

Ils ne réussiront pas tant que mon peuple n’étouffera pas le bruit tonitruant de nos rivières au dégel, de nos branches dans le verglas, de nos lames sur la glace, de nos grillons en juillet, de nos bières qui se cognent, de notre nation qui se lève chaque matin, ensemble, ici, sur ces territoires qu’on emprunte tous à l’infini le temps d’une courte visite, ils ne réussiront pas tant que mon peuple n’étouffera pas le bruit assourdissant de nos cœurs un soir comme celui-ci, de nos voix dans le vent qui disent :

On est là.

On est fiers.

On est ensemble.

On est forts.

On est encore là.

C’est votre tour! Bonne fête gens du pays!

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