2022-01-14

1990

Un pays à faire rêver

Un paisible champ de marguerites au-dessus duquel se marient le bleu du ciel et le blanc des nuages et, s’élevant, le fleurdelisé qui se confond avec le ciel. Illustration de l’immensité du territoire et de celui qui l’habite. Pour rêver, rien ne doit limiter le regard. Un pays à faire rêver.

L’affiche

Photographie et montage : Mia & Klaus

Texte d’auteur

UN PAYS À FAIRE RÊVER

Pour la cent cinquante-sixième fois, le peuple du Québec est convié à fêter, en ce jour du 24 juin, sa différence. C’est en effet en 1834, à l’invitation de Ludger Duvernay, qu’une soixantaine de personnes se réunissaient à Montréal et décidaient d’une célébration annuelle de la Saint-Jean-Baptiste qu’ils adoptaient comme Fête nationale. Dans la foulée des revendications des Patriotes des années 1830 qui luttaient pour assurer le respect de leurs droits et la survie du peuple québécois, l’instauration de la Fête nationale marquait leur désir de perdurer comme peuple francophone d’Amérique. Chaque génération de Québécoises et de Québécois a renouvelé ce désir en s’associant par la magie du souvenir à Duvernay et à ses compatriotes lors des célébrations annuelles de la Fête nationale.

Le thème de la Fête nationale 1990, un pays à faire rêver, et l’affiche qui l’accompagne suscitent une double réflexion. Comme les Bas-Canadiens d’il y a cent cinquante ans, les Québécoises et les Québécois d’aujourd’hui ont et désirent un pays à faire rêver. Le Québec fait rêver par ce qu’il est et par ce qu’il sera.

L’objet à faire rêver émerveille par sa beauté et par sa richesse. Oui le Québec est un pays à faire rêver. Qu’il soit de l’Outaouais, de Charlevoix, du Saguenay, des Laurentides, ou de toute autre région, ville ou village du Québec, pour chaque Québécoise et chaque Québécois, existe en son âme, en son cœur, en sa mémoire la pureté d’un ciel, l’infini d’un champ, la beauté d’un paysage qui représentent cet instant d’éternité dont parle le poète. Ces paysages nous habitent tout autant que nous les habitons. Nous les façonnons comme ils nous façonnent; nous les marquons de notre sceau comme le fleurdelisé de l’affiche et nous les faisons nôtres.

Quant à la richesse de l’objet à faire rêver, elle tient à ce qu’il est. Nous sommes riches de ce que nous sommes. Comme fondement de notre identité, la langue et la culture sont donc les bases de notre richesse collective. Les perdre équivaudrait à perdre notre identité, à inexister. Un peuple se doit le respect de ne jamais s’appauvrir en les perdant. Assurer notre existence comme peuple et comme nation passe par la défense et l’illustration quotidiennes et incessantes de notre langue et de notre culture. En ce sens, la sécurité ne sera jamais notre lot et seule une constante volonté d’être et de durer garantit notre « vivance ». Maintenir jour après jour malgré les obstacles notre langue et notre culture, c’est se donner en permanence un pays à faire rêver. Le peuple québécois doit donc assumer sa différence parce que la perdre, c’est disparaître.

Notre richesse s’incarne aussi dans notre histoire nationale qui nous a faits tels que nous sommes. Les personnages, qu’ils soient grands ou petits, et les événements, les défaites comme les victoires, qui parsèment plus de quatre siècles d’histoire depuis Jacques Cartier, nous ont appris que notre « vivance » n’est due qu’à notre volonté de vivre et de perdurer, que notre survie politique, économique, sociale, culturelle reste notre seule responsabilité. D’où l’importance pour chacune et chacun d’entre nous, quelque humble que soit son travail, de concourir à l’épanouissement de notre vie collective sous toutes ses formes. Toutes et tous doivent travailler à notre richesse collective.

Souvent, l’objet à faire rêver est celui dont on ne peut qu’imaginer la perfection. Dans ce sens, les Québécoises et les Québécois doivent rêver le Québec, l’exhausser par l’imagination pour que de ce rêve naisse pour chacune et chacun d’entre nous le désir de parfaire ce pays à faire rêver. Comme la génération des Bas-Canadiens de 1830 et comme toutes celles des Québécoises et des Québécois qui se sont succédé depuis plus d’un siècle et demi, nous devons rendre le pays de plus en plus « rêvable ». En cette dernière décennie avant l’an 2000, nous devons rêver d’un pays où laideur et pauvreté, sous quelque forme que ce soit, analphabétisme, chômage, violence, sexisme, pollution, racisme, intolérance, etc., n’existeraient pas. Qui plus est, il faut y travailler. C’est à ce prix que le Québec restera un pays à faire rêver.

Le Québec est un pays à faire rêver, et il faut le célébrer avec fierté, mais dans un même élan, nous devons nous donner la mission de le rendre encore et toujours plus « rêvable » pour les générations qui suivent.

En cette cent cinquante-sixième Fête nationale, que toutes les Québécoises et tous les Québécois, toutes origines confondues, s’unissent en un même rêve et fêtent le pays, notre pays.

Vive le Québec !

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1990